Monday 31 October 2011

Procès Shafia

J'ai du mal à croire que c'est arrivé en 2009 au Canada, à quelques heures de route de chez moi.  Et il y en a qui disent que le féminisme n'a plus de raison d'être.  C'est désolant.


Je copie cet article pour référence future.




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Dans le journal ce matin : 



Publié le 31 octobre 2011 à 06h31 | Mis à jour à 11h06

Procès Shafia: vie et mort de trois soeurs



(Kingston) «Chère Sahar, je ne sais pas ce que je vais faire si tu quittes cette maison un jour???? Je promets qu'avant de mourir, je vais faire en sorte que tous tes voeux se réalisent. Je souhaite qu'on ne soit jamais séparées. Best sisters»

Ces phrases touchantes écrites par Geeti, une préadolescente en admiration devant sa grande soeur Sahar, sont devenues pièce numéro 811-1, au procès de leurs parents et de leur frère aîné, accusés de les avoir tuées pour une question d'honneur le 30 juin 2009 à Kingston, avec leur soeur aînée Zainab, et la première épouse de leur père, Rona.

Une dizaine de jours après le début du procès pour quadruple meurtre à Kingston, de Mohammad Shafia, de son épouse Tooba, et de leur fils Hamed, La Presse trace un bref portrait des quatre femmes au destin tragique, à partir d'éléments dévoilés à ce jour au jury. Les informations proviennent notamment du discours d'ouverture de la procureure de la Couronne, Laurie Lacelle, et du journal personnel de Rona, dont La Presse a publié le portrait samedi. Ces faits restent à prouver. Les trois accusés se disent innocents.
La musique à la mode, l'attirance pour les garçons, les fringues dernier cri, et surtout ce cher téléphone portable, sans lequel la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. En ce sens, la vie des trois soeurs Shafia, originaires d'Afghanistan, mais établies à Montréal avec leur famille depuis juin 2007, était semblable à celle de millions d'autres adolescentes.
Mais derrière cet apparent libéralisme se dressaient les principes d'une application stricte de la doctrine islamique en vigueur à la maison: interdiction de fréquenter des garçons, port du hijab à partir d'un certain âge, mariages arrangés par les parents, polygamie du père et toute-puissance de celui-ci, soumission à l'autorité du grand frère en l'absence du paternel...
Mais les parents pouvaient toujours parler, une fois sorties de la maison de Saint-Léonard, les filles n'en faisaient qu'à leur tête, tout en faisant quand même attention à ne pas se faire prendre, ou se faire dénoncer par un autre membre de la famille.
Mais voilà, le 17 avril 2009, un grand tremblement de terre a ébranlé la famille Shafia. C'est le jour où l'aînée des sept enfants, Zainab, 19 ans, a fui le domicile familial de Saint-Léonard, pour se réfugier dans une maison pour femmes en difficulté. Le geste était si téméraire, que quatre des enfants Shafia, dont Sahar et Geeti, ont appelé le 9-1-1 par crainte de la réaction du père, qui s'apprêtait à revenir de Dubaï. Cet appel aurait malheureusement eu peu de conséquences, comme on le verra au cours du procès. Mais pour le moment, voici un bref portrait des trois soeurs Shafia.

ZAINAB
Née le 9 septembre 1989. Premier enfant de la famille Shafia. Morte à 19 ans.
En 2008, alors qu'elle avait 18 ans, Zainab a fréquenté un garçon à l'insu de ses parents. Un jour, alors que toute la famille était absente, elle a invité le jeune homme à la maison. Hamed serait arrivé pratiquement sur leurs talons. À la demande de Zainab, le garçon est vite allé se cacher dans le garage. Mais Hamed l'a trouvé, et l'a mis dehors. Par la suite, Zainab aurait été retirée de l'école et confinée à la maison pendant près d'un an, selon le discours d'ouverture de la procureure de la Couronne.
Le 1er mai 2009, à l'incitation de sa mère Tooba, Zainab a quitté la ressource pour femmes en difficulté où elle vivait depuis deux semaines, et est revenue à la maison. Sa mère lui aurait promis qu'elle pourrait se marier au jeune homme qu'elle fréquentait à ce moment. Le 18 mai, une cérémonie religieuse a en effet été organisée dans une mosquée. Le lendemain, c'était la fête de mariage dans un restaurant. Le garçon s'y est présenté seul, sans aucun membre de sa famille pour l'accompagner. Il faut dire que la famille du garçon était elle-même contre ce mariage.
Tooba et Hamed ont fait comprendre à Zainab qu'elle s'apprêtait à commettre une grosse erreur. Zainab s'est laissée convaincre. Elle a dit au garçon que ce mariage affecterait la réputation de sa famille, et tous deux ont convenu d'annuler le mariage. Le même jour, des tractations ont été entreprises pour marier Zainab à un parent de Tooba. Pour Zainab, c'était le moyen de quitter la maison familiale, et elle a accepté. Le mariage devait avoir lieu assez rapidement, au début de l'été.
«Zainab était pressée de rentrer à Montréal pour se marier,», a fait valoir Mohammad Shafia, lorsqu'il a été interrogé par un policier de Kingston, le 30 juin 2009, quelques heures après la découverte des corps dans l'écluse.
Zainab se trouvait à la place du passager en avant dans la Nissan submergée. Elle flottait le dos au plafond.

SAHAR
Née le 22 octobre 1991, troisième enfant de la famille Shafia. Morte à 17 ans.
Quarante jours après avoir accouché de Sahar, sa mère, Tooba, l'a donnée en cadeau à Rona, première épouse stérile de Mohammad Shafia. «Tiens, elle est à toi. Tu vas t'en occuper», aurait dit Tooba.
Rona était folle de joie.
À Montréal, Sahar fréquentait une école de Saint-Léonard, et envisageait de devenir gynécologue. Elle avait un petit ami d'origine latino-américaine, qu'elle voyait secrètement. Sachant que ses parents seraient contre cette relation, elle envisageait de partir avec le garçon pour aller s'établir dans son pays à lui.
Sahar s'était confiée à certains professeurs à l'école, au sujet de la violence à la maison et du manque de liberté. Ses parents l'empêchaient parfois de venir à l'école et cela pouvait durer des jours. Elle se plaignait aussi que parfois, elle se sentait bien seule à la maison, car personne ne lui parlait. À certains moments, Sahar paraissait suicidaire.
Dans son journal, Rona raconte un de ces épisodes suicidaires, qui faisait suite à une querelle entre Sahar et sa mère Tooba, pour une question d'épluchage de patates. Fâchée que Sahar ait demandé à Geeti de lui apporter le sac de patates à éplucher, Tooba aurait vertement réprimandée Sahar, en lui disant qu'elle se servait des autres pour arriver à ses fins. Peu de temps après, Sahar a fait une mixture avec des comprimés pour purifier l'eau et l'a avalée. Affolée, Rona criait et se frappait elle-même en disant pourquoi tu as fait ça?
Rona a noté dans son journal que Tooba lui a répondu:
«Elle peut aller chez le diable. Laisse là se tuer.»
Rona et Sahar ont développé des liens très serrés qui ont perduré. Lors de la découverte de la Nissan au fond de l'écluse, elles étaient assises côte à côte sur la banquette arrière.
GEETI
Née le 30 novembre 1995. Sixième enfant de la famille Shafia. Morte à 13 ans.
Geeti la rebelle, qui défiait l'autorité, quelle qu'elle soit. Elle rentrait tard à la maison, s'est fait prendre à voler dans un magasin. À l'école, c'était la catastrophe. «Pas motivée, elle séchait des cours, si bien que lors du dernier semestre, elle a échoué trois des quatre matières enseignées. Il est aussi arrivé que les autorités de l'école la retournent à la maison, parce qu'elle portait des vêtements inappropriés et trop révélateurs.
Geeti voulait quitter la maison familiale le plus vite possible. Elle demandait à être placée par la Direction de la protection de la jeunesse. Elle en avait fait part à un travailleur de la DPJ, à la police, et à l'école. Même sa mère Tooba était au courant et ne savait plus quoi faire avec cette enfant. Secrètement, Geeti planifiait aussi de partir avec Sahar quand celle-ci quitterait la maison.
Geeti, la plus jeune des quatre victimes, flottait au-dessus de la place du conducteur dans la Nissan submergée. Son corps était entremêlé avec celui de sa soeur aînée, Zainab, a expliqué le policier plongeur qui a remonté les corps.



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